Censure et consensus dans le cinéma de l'après-guerre

La genèse parallèle d’Au royaume des cieux (Julien Duvivier, 1949) et La Cage aux filles (Maurice Cloche, 1950)

Article publié en novembre 2022 dans la revue French Cultural Studies.

Maria (Suzanne Cloutier) et Mlle Chamblas (Suzy Prim) dans _Au royaume des cieux_
Maria (Suzanne Cloutier) et Mlle Chamblas (Suzy Prim) dans Au royaume des cieux

Résumé

Au royaume des cieux (Julien Duvivier, 1949) et La Cage aux filles (Maurice Cloche, 1950), deux fictions situées dans des centres de rééducation pour jeunes femmes, ont une histoire liée. Fondées sur le même fait divers, produites en même temps, elles font l’objet de tractations complexes lorsqu’elles sont soumises à la censure. Le film de Duvivier, dont le rapport au réel est ambigu, finit par échapper à une réécriture, alors que Maurice Cloche accepte de travailler de près avec le ministère de la Justice et finit par réaliser un film réaliste reproduisant le discours officiel des autorités. Pourtant, les deux œuvres présentent la rééducation en internat d’une manière trompeuse et contraire aux reportages sur lesquels elles sont fondés. En examinant la genèse parallèle des deux films, cet article réexamine le rôle des négociations et de la propagande dans la construction du cinéma « consensuel » français de l’après-guerre.

Abstract

Censorship and consensus in post-war French cinema: the making of Au royaume des cieux (Julien Duvivier, 1949) and La Cage aux filles (Maurice Cloche, 1950)

Au royaume des cieux (The Sinners, Julien Duvivier, 1949) and La Cage aux filles (Cage of Girls, Maurice Cloche, 1950), two fiction features set in reform schools for young women, have a shared history. Based on the same real events, written and produced concurrently, they took diverging paths when undergoing government censorship. Duvivier’s film, which lets the relationship between its story and the real world remain ambiguous, was left largely untouched; Maurice Cloche, on the other hand, agreed to work closely with the French Ministry of Justice and ended up directing an explicitly realist film that reproduces the authorities’ official discourse. Both films, however, present reformatories in a deceptive way that contradicts the journalism they were based on. Examining the parallel trajectories of both films as they were made, this article reexamines the role of negotiations and propaganda in the “consensual” nature of French cinema from the immediate post-war period.

La timidité

Dans son Histoire du cinéma français – une entrée en matière souvent donnée à lire aux étudiants, parue dans sa quatrième édition en 2019 – Jean-Pierre Jeancolas présente le cinéma de la Quatrième République comme un « cinéma de pouvoir, consensuel, centriste et timoré ». Il souligne l’importance de la censure et de l’autocensure, décrivant ces phénomènes comme un trait distinctif du cinéma de l’époque.

Le cinéma français de la Quatrième République est frileux. Il est corseté par une censure qui s’échauffe dès qu’un film aborde l’actualité : les difficultés économiques, les séquelles de la guerre, la guerre froide, la guerre d’Indochine, puis celle qui commence en Algérie, la décolonisation en général, la décomposition du système politique. […] Hormis quelques courts ou moyens métrages produits par le parti communiste ou par les syndicats et contraints à une circulation clandestine ou « parallèle », et excepté quelques éclats dans des films de Clouzot, de Becker, d’Autant-Lara ou de Duvivier, le cinéma se tient prudemment à bonne distance de la réalité française, ce à quoi la profession s’accommode assez facilement, par pusillanimité ou par corporatisme. (Jeancolas, 2019: 61–63)

Jeancolas est loin d’être le seul historien du cinéma français à mettre en exergue le caractère consensuel de la production commerciale de ces années. Pour Geneviève Sellier, le cinéma français, par sa « relecture rassurante » de l’histoire de la guerre et son recours au patrimoine littéraire en tant que « ciment culturel », participe à la reconstruction d’un « imaginaire national consensuel, après une période de quasi-guerre civile » (Sellier, 2015: 2). Catherine Gaston-Mathé (1996: 13–14) affirme que « le cinéma de l’après-guerre incite plus à l’oubli et à l’évasion qu’au devoir de mémoire […] ». Quant à Raymond Borde, il va jusqu’à qualifier ce cinéma de « post-vichyssois ». Avec un parti pris contre la critique communiste de l’époque, qui soutenait instinctivement le cinéma français contre la concurrence hollywoodienne, il juge globalement médiocre et insipide la production entre 1945 et le début des années 1950 : « Dans cette démagogie du populisme souriant, pleurnichard et patriotique, les notes discordantes furent extrêmement rares […]. » (Borde, 1978: 16–17)

Ces appréciations du cinéma d’après-guerre sont à distinguer des critiques les plus familières adressées à son encontre, à l’image de celles formulées par les plumes des Cahiers du cinéma. Elles ne portent pas sur l’esthétique, mais sur l’absence de questionnement politique et social dans le cinéma commercial. On peut les ranger dans la catégorie plus large des observations soulignant l’éloignement du cinéma de la réalité quotidienne des Français (par exemple Williams, 1992: 280; Chirat, 1985: 15) ou l’absence d’un véritable courant néoréaliste en France alors que ce mouvement s’épanouit en Italie (Martin, 1984: 24–25). Certes, un cinéma militant de gauche fleurit en France à cette époque, mais il reste aux marges de la culture cinématographique, circonscrit aux séances non commerciales, moins soumises à la censure, lors de meetings politiques ou syndicaux ou au sein des ciné-clubs (Gallinari, 2015: 63–65).

Si le cinéma de l’après-guerre est si consensuel – voire convenu, pour ses détracteurs –, c’est surtout l’autocensure qui aurait empêché les cinéastes de traiter avec audace de l’actualité de leur époque. Au-delà des questions spécifiques citées par Jeancolas, qui constituaient de véritables tabous, plusieurs observateurs ont émis l’hypothèse que les producteurs, voire aussi les réalisateurs et scénaristes, ont évité de leur propre gré des thèmes politiques, économiques ou sociaux, liés au quotidien mais potentiellement sujets à controverse, sans avoir été directement entravés par l’action coercitive de l’État. Dès 1953, le critique et fondateur de L’Écran français Jean-Pierre Barrot constate : « Depuis la Libération, la censure s’est montrée progressivement de moins en moins libérale ; et la crainte d’une interdiction pure et simple ou de coupures trop importantes encourage nos producteurs à écarter délibérément trop de sujets. » (Barrot, 1953: 28) Selon Marcel Martin, après la censure de quelques œuvres de réalisateurs communistes (Louis Daquin, Robert Menegoz, René Vautier), « les scénarios portant sur des sujets progressistes sont systématiquement écartés par les producteurs. » (Martin, 1984: 22) Raymond Borde aussi sous-entend que des cas exemplaires de censure ont entraîné une autocensure importante mais, comme Martin et Barrot, il fait cette observation sans en dire davantage sur la supposée timidité des réalisateurs face aux pressions exercées par les producteurs, ou celle des producteurs vis-à-vis de l’État. En dépouillant un large échantillon d’archives de la censure du CNC, Fréderic Hervé estime que, dans l’immédiat après-guerre, peu de films sont frappés de restriction, car « les censeurs sont craints », c’est-à-dire que la censure et l’autocensure sont consenties et répandues au sein de l’industrie (Hervé, 2015: 31–32). Quel était le fonctionnement précis de cette incitation à l’autocensure dans la période de l’après-guerre ? De quelle manière les autorités publiques s’inséraient-elles dans le traitement cinématographique d’un thème d’actualité ? À quel point et dans quelles circonstances les cinéastes et scénaristes acceptaient-ils de modifier leurs œuvres ? Si les travaux de Sébastien Denis (2009) ou Sylvie Lindeperg (2000, 2014) abordent aussi ces questions, celles-ci restent peu explorées, probablement en raison du peu d’intérêt que la critique cinéphile a traditionnellement porté à cette période.

L’objectif de cette contribution est d’apporter de nouveaux éléments de réponse à la question du consensus dans le cinéma français de l’après-guerre, en examinant la genèse de deux longs métrages traitant du même sujet, tournés en même temps et censurés en parallèle : Au royaume des cieux de Julien Duvivier et La Cage aux filles de Maurice Cloche. Le premier, sorti le 30 septembre 1949, est vu de nos jours comme une œuvre mineure d’un réalisateur célèbre pour ses contributions au réalisme poétique des années 1930 ; le deuxième, sorti le 13 janvier 1950, est le film d’un cinéaste populaire prolifique, aujourd’hui oublié, si ce n’est pour son intérêt pour les sujets sociaux et la religion catholique.

Au royaume des cieux raconte l’histoire de Maria (Suzanne Cloutier), une jeune orpheline qui, au début du film, arrive dans une maison de redressement en bord de Loire. Les méthodes tyranniques de la directrice, Mlle Chamblas (Suzy Prim), poussent bientôt une détenue au suicide et les autres à entamer une grève de la faim. À l’extérieur, l’amant de Maria, Pierre (Serge Reggiani), sérieux et idéaliste, échange avec une détenue évadée et essaie de concevoir une ruse pour permettre à Maria de s’évader. Finalement une révolte gagne l’établissement. Cependant, Maria a réussi à s’évader au beau milieu de la mutinerie et s’efforce de rejoindre Pierre alors que la région est touchée par une inondation. Les derniers plans, où Pierre tient dans ses bras le corps inerte de Maria, restent ambigus, laissant le public se demander si elle a payé sa liberté de sa vie.

Tombé dans l’oubli aujourd’hui – il n’a jamais fait l’objet d’une édition en VHS, DVD, BluRay ou VOD –, La Cage aux filles rencontre un grand succès commercial lors de sa sortie en salles, attirant un peu plus de trois millions de spectateurs sur la France entière, contre 2,6 millions d’entrées pour Au royaume des cieux (Simsi, 2012: 15, 130). Au début du film, Micheline (Danièle Delorme) échoue à son examen de sténographe. Face à la timidité de sa mère et la cruauté de son beau-père (Noël Roquevert), un ouvrier alcoolique qui la bat et semble ne s’intéresser qu’à son syndicat, elle quitte la maison. Repoussant l’intérêt que lui porte un jeune ingénieur, elle tombe amoureuse du truand Freddy, qui l’emmène à Paris, puis l’abandonne. Micheline est alors arrêtée pour vagabondage, mais son beau-père refuse de la reprendre, en dépit des supplications d’un juge des enfants et d’une mère supérieure. Son placement dans un internat de rééducation ne fait qu’aggraver sa situation, car elle y rencontre des filles de mauvaise vie, dont la cynique et chaotique Rita (Jacky Flynt). Les deux filles s’évadent ensemble, vivant de larcins commis avec Loulou (Jacques Vérières), le futur amant de Micheline. De retour à Lyon, celle-ci est enfermée dans un autre établissement qui est vite gagné par une mutinerie. Édith (Suzanne Flon), jeune éducatrice affectueuse, réussit à arracher Micheline à cet environnement nocif en obtenant son placement dans un internat modèle qui pratique de nouvelles méthodes. Lors d’une dernière évasion, Micheline retrouve Rita dans les bras de Loulou ; elle retourne donc à cette nouvelle maison de redressement, commence à faire confiance à Édith, apprend un métier et se fiance avec l’ingénieur qu’elle avait repoussé au début du film.

La mise en images de la problématique sociale de la délinquance juvénile – un thème portant une charge politique inévitable, sans être un tabou absolu – est un exercice délicat. Maurice Cloche, Julien Duvivier, leurs scénaristes et producteurs connaissent sans doute le destin de L’Île des enfants perdus, le projet de Marcel Carné et Jacques Prévert, sur le même thème, qui a été étouffé par la censure avant la guerre ; Carné le reprend en 1947 sous le titre La Fleur de l’âge, mais l’abandonne au cours d’un tournage désastreux (Aurouet, 2005a, 2005b). Les enjeux politiques sont d’autant plus importants pour La Cage aux filles et Au royaume des cieux que les deux récits s’inspirent librement des mêmes faits réels. Les faits et les films surviennent à un moment clé de l’histoire où, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, la France réexamine le phénomène de la délinquance juvénile, les problèmes sociaux qui l’engendrent et les institutions, souvent sous-équipées, censées la combattre. C’est une période où de nouvelles lois sont adoptées pour réorganiser la justice pour mineurs, des faits divers impliquant des jeunes connaissent un retentissement médiatique et un large débat public s’instaure autour de la jeunesse (Jobs, 2007: 141–184). Après un résumé de l’incident réel ayant inspiré les films et sa couverture dans la presse, notre analyse des films prendra en compte la manière dont ils représentent ce fait divers en particulier, et plus largement la jeunesse, la délinquance et les institutions dans ce contexte historique particulier. Ensuite, nous procéderons à l’examen des archives liées à la censure des deux films : ces documents en disent long sur les rapports qu’entretiennent cinéma et pouvoir politique dans la France de la fin des années 1940. Nous verrons que la création de ces films « consensuels » découle de nombreux compromis, négociés en coulisses entre plusieurs interlocuteurs.

Ces arbitrages ne se limitent pas à la suppression de contenu des films, mais s’étendent à des pressions incitant les réalisateurs à dresser un portrait complaisant des institutions. C’est pourquoi nous abordons la manière dont la création du cinéma « consensuel » repose non seulement sur la censure, mais aussi sur la propagande. Selon la compréhension large de ce terme proposée par Jacques Ellul, la propagande peut être ou bien verticale, commandée et planifiée par des personnes dans des positions de pouvoir, ou bien horizontale, diffusée de façon volontaire entre individus (Ellul, 1990: 94–99). Nous verrons que les cinéastes français de l’après-guerre peuvent occuper les deux positions dans ce schéma : bien qu’ils soient parfois incités à ou obligés de répéter les propos du gouvernement, parfois ils expriment de leur plein gré des formes similaires de propagande dans leurs films.

La révolte

Le matin du 6 mai 1947, une révolte éclate dans une maison d’éducation surveillée pour jeunes femmes installée au sein de la prison de Fresnes (voir Thomazeau, 2007b). Après des dégradations des lieux, le saccage du magasin et la prise d’une partie du toit par un groupe de filles qui refusent de descendre, la direction demande des renforts de police. Une quarantaine de détenues sont arrêtées et emmenées au dépôt, où elles poursuivent leur rébellion en détruisant des lits et en brisant des fenêtres. L’événement suscite de nombreux articles dans la presse quotidienne, certains approchant le sujet d’une angle sociale (« Les mutinées de Fresnes continuent leur sabbat au dépôt, mais le problème de la jeunesse délinquante est d’une acuité toujours croissante », L’Aube, 9 mai 1947), d’autres écrits sur un ton cocasse (« Mutinerie à Fresnes. Les révoltées boivent un tonneau de vin et font rougir les agents de police ! », Combat, 8 mai 1947).

L’incident intervient à un moment charnière dans l’histoire de la justice en France. La Libération – effectivement le passage d’un État policier vers un État de droit (voir, par exemple, Shklar, 1998)  – occasionne des réformes qui bouleversent l’organisation de la justice pénale et en particulier la justice pour mineurs. Une ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante sépare le service de l’Éducation surveillée de l’administration pénitentiaire dont il dépendait auparavant ; elle crée la fonction de juge des enfants, met en place des régimes de semi-liberté et, en général, donne la priorité aux mesures éducatives plutôt que répressives (Bantigny, 2007: 148–149; Chauvière, 1998). Cependant, les principes de cette réforme ambitieuse sont plus facilement promus dans la presse que mis en œuvre sur le terrain. Les centres d’observation et internats de rééducation ne s’éloignent que lentement et avec hésitation de leurs procédés historiques de répression et de réclusion (Bantigny, 2007: 157–181). La mutinerie de Fresnes est un exemple de ces difficultés, car elle a lieu dans un établissement implanté au sein d’une prison pour adultes, une situation censée disparaître selon la nouvelle législation.

Avant les adaptations cinématographiques, la rébellion des détenues de Fresnes trouve un premier écho médiatique dans la presse quotidienne. Le journal populaire France-soir édite deux longues séries d’articles autour de l’incident écrits par l’écrivain reporter Henri Danjou, un spécialiste en la matière qui dès la fin des années 1920 a participé aux campagnes de presse contre les « bagnes d’enfants ». En préparant son long métrage, Julien Duvivier se documente à partir d’articles de presse, dont ceux de Danjou et, en août 1948, invite ce dernier à travailler avec lui et son scénariste déjà choisi, Henri Jeanson1. Danjou rompt rapidement cette collaboration et porte plainte contre Duvivier pour plagiat ; la plainte est classée sans suite (Bonnefille, 2002: vol. 2, 63). Peu après, Maurice Cloche l’engage comme scénariste pour son projet concurrent. La genèse des deux films commence donc par les exposés de Danjou dans France-soir.

La première série de reportages relève autant du feuilleton que du journalisme : il présente les événements à Fresnes de façon dramatique et sensationnelle, à tel point qu’il est difficile de deviner les sources du journaliste, ou même de distinguer réalité, fiction, rumeur et effet de style. La révolte elle-même, élément central du récit, et la description de la directrice de l’établissement, antagoniste principale, préfigurent Au royaume des cieux : cette dernière est partisane des « bonnes vieilles méthodes anciennes », y compris gifles et coups de poings. D’autres aspects de cette série d’articles se retrouvent dans le film de Maurice Cloche. Notamment, Danjou décrit des filles qui, comme l’héroïne de La Cage aux filles, sont arrêtées pour vagabondage ou éventuellement pour délation ou liaisons avec l’ennemi pendant l’Occupation, plutôt que pour vols, crimes ou prostitution (Danjou, 1947) ; effectivement, la majorité des jeunes femmes placées en internat à cette époque le sont par mesure de protection et non par condamnation pour crime ou délit (Thomazeau, 2007a). D’autres détails ne se retrouvent pas dans les deux films : par exemple, le journaliste accuse la directrice d’avoir provoqué exprès l’incident afin de régler un compte avec deux éducatrices aux méthodes plus modernes.

Le premier volet de la seconde série d’articles paraît sur la une du quotidien France-soir le 15 juin 1949, vers le début du tournage du film de Maurice Cloche.
Le premier volet de la seconde série d’articles paraît sur la une du quotidien France-soir le 15 juin 1949, vers le début du tournage du film de Maurice Cloche.

Parue deux ans plus tard – lorsque les deux films sont déjà en préparation –, la seconde série de reportages fait entendre la voix de l’éducatrice Gilberte Sollacaro, dont le nom figure déjà dans quelques articles de la première série. Le personnage de Mlle Édith, l’éducatrice dans La Cage aux filles qui prend Micheline sous son aile, serait vraisemblablement fondé sur cette personne réelle. Sur un ton plus sobre que la première série, Danjou et Sollacaro racontent en épisodes le quotidien des détenues de Fresnes. Une première, rencontrée au cachot, hurlait des injures jusqu’à ce que l’éducatrice lui montre des signes de confiance (Danjou et Sollacaro, 1949c). Une autre, placée sous le tutorat de son frère après la mort de leur père, a été abandonnée après avoir attrapé une infection sexuellement transmissible d’un amant ; d’après Sollacaro, elle nécessitait seulement un traitement médical et un peu de tendresse (Danjou et Sollacaro, 1949b). Ces histoires soulignent souvent l’indifférence, l’arrogance, voire la cruauté de la part des surveillants et dirigeants de la maison de redressement et ensuite l’éventuel apaisement d’une jeune femme grâce aux méthodes « compréhensives » pratiquées par Sollacaro et quelques collègues. D’autres épisodes retracent le trajectoire de filles difficiles qui, comme la protagoniste du film de Maurice Cloche, sont rendues encore plus ingérables par l’institution corrompue.

L’article final aborde l’Institution publique d’Éducation surveillée de Brécourt, un nouvel internat mis en avant comme « modèle » par l’État, ouvert en 1947 dans le département de Seine et Oise. Mutée dans cet établissement à la suite de la révolte à Fresnes, Gilberte Sollacaro décrit sa « modernité » comme une simple façade (Danjou et Sollacaro, 1949a). Brécourt bénéficie d’un cadre sain, d’excellentes conditions matérielles et une direction plus scrupuleuse que celle de Fresnes. En revanche, le taux d’évasion ne serait pas moins important que celui des autres établissements d’éducation surveillée. Les filles choisies pour intégrer Brécourt, seulement une trentaine au total, ont toutes été sélectionnées comme « méritantes » par d’autres institutions. Selon l’expérience de Sollacaro, il s’agit des prisonnières les plus « sournoises » et « hypocrites » qui n’hésitaient pas à jouer le jeu des dirigeants en dénonçant leurs camarades. Après dix mois au nouvel internat, l’éducatrice doute que ces conditions favorables suffisent pour « soigner [le] caractère et [les] âmes malades » des détenues. Elle affirme qu’après avoir fait part de ses doutes à la directrice, elle a été immédiatement limogée à cause de sa présence lors de la révolte de Fresnes, et pour avoir apporté des témoignages dans les articles publiés par Danjou en 1947.

Ces critiques reflètent certainement la déception personnelle d’une ancienne employée démise de ses fonctions, mais plusieurs de ces observations se retrouvent dans les travaux de notre époque portant sur l’histoire de la rééducation de filles en internat. La capacité d’accueil de Brécourt, institution unique en son genre en 1949, est en effet très modeste, et son modèle fondé sur de petits effectifs peut difficilement être étendu à des établissements moins bien lotis. L’enfermement en cellule reste une punition courante et un élément clé de la stratégie de discipline employée à Brécourt, de son ouverture jusque dans les années 1960, même si la réforme de 1945 a mis l’accent sur l’éducation plutôt que la répression (Bantigny, 2007: 177–179). Malgré le développement d’une véritable politique d’éducation, le personnel est confronté par des impératifs contradictoires d’éduquer, d’une part, et d’autre part de surveiller et enfermer (Thomazeau, 2005) ; l’empathie et les bonnes conditions matérielles ne sont pas une panacée.

Notons finalement le titre et le sous-titre trompeurs du dernier texte de Gilberte Sollacaro et Henri Danjou, qui changent complètement le ton de la série : « Après l’enfer de Fresnes, voici le paradis de Brécourt : dans ce pénitencier de l’espoir, les filles sont prisonnières sur parole… ». On ne saisit le sens ironique du titre qu’après avoir lu le texte de l’article. Nous n’avons aucun moyen de savoir si ce titre est choisi par les auteurs ou imposé par France-soir, mais un lecteur inattentif peut toujours croire que l’heure est au progrès dans les maisons de rééducation. Comme nous le verrons, Au royaume des cieux et surtout La Cage aux filles peuvent amener leurs spectateurs à cette même conclusion.

L’ambiguïté

Au royaume des cieux ne rappelle pas de manière évidente la mutinerie de Fresnes. Son double récit concerne à la fois l’amour empêché entre Maria et Pierre et le conflit entre la directrice et les détenues. Par ailleurs, la réception critique du film se caractérise par deux lectures adverses : d’une part comme fiction sans lien particulier avec la réalité contemporaine, d’autre part comme reportage en forme de mélodrame.

Selon la première interprétation, le film n’évoquerait pas l’actualité de l’Éducation surveillée. La violence morale et physique subie par les détenues ne serait pas institutionnelle ; elle émanerait uniquement de la directrice. Éprise de pouvoir, jalouse de la jeunesse et du charme des jeunes femmes sous sa tutelle, Mlle Chamblas est un personnage haineux et malveillant. Dès la mort de son prédécesseur, elle se met à l’aise devant son bureau et s’amuse à tamponner des documents avec le sceau de la maison, symbole de son nouveau pouvoir. Elle se montre particulièrement brutale envers Maria, l’envoyant dans un cachot obscur inutilisé depuis cinq ans – c’est-à-dire depuis la fin de l’Occupation. Dans une séquence exemplaire, après avoir découvert que Pierre a clandestinement rendu visite à Maria, la directrice insulte et menace la jeune détenue pendant que celle-ci garde le silence face aux interrogations hostiles. Mlle Chamblas finit par arracher la chemise de la jeune femme et la saisit dans une étreinte perverse, en criant : « C’est pour ça, c’est pour cette peau-là qu’ils te suivent comme une chienne ! », provoquant finalement une réponse : « Vous étouffez de jalousie parce que vous êtes ignoble, parce qu’un homme n’a jamais voulu de vous ! ». À l’origine de tous les troubles de l’histoire ne se trouve ni la pauvreté, ni la guerre, ni des traitements inéquitables, seule une « vieille fille » jalouse2.

Selon cette lecture, en mettant en scène un personnage aussi antipathique, Duvivier et Jeanson inventent un cas particulier d’abus et n’émettent aucun critique de la gestion des maisons de redressement dans la France de l’époque. Maria raconte, dès son arrivée à la Haute-Mère, les aléas qui l’y ont conduite : sa mère décédée, son père inconnu, elle s’est enfuie après avoir été victime d’abus au sein de plusieurs familles dans lesquelles elle a été placée par l’Assistance publique. Pourtant, ce passé, évoqué dans les dialogues, n’est jamais mis en images. Parmi les autres pensionnaires de la maison, l’une a été arrêtée pour vol, une autre pour prostitution, une troisième pour homicide ; toutes, sauf Maria, parlent un langage argotique issu des quartiers populaires. Cependant, il ne peut y avoir de discours social au premier plan d’un film qui ne montre aucune image de ces milieux populaires et qui ne fait que brièvement allusion dans les dialogues à la vie des détenues avant leur arrestation.

De plus, le règne brutal de Mlle Chamblas, bien qu’il remplisse la quasi-totalité du récit, ne serait qu’une parenthèse dans l’histoire de la fictive maison de Haute-Mère. Au début du film, une directrice sympathique, Mme Bardin (Paule Andral), explique à Maria que la maison sert non pas à punir ses pensionnaires, mais à leur apprendre un métier et à les aider à trouver leur place dans le monde. Elle est tellement ravie d’apprendre que l’administration lui accorde de nouveaux locaux, plus modernes, qu’elle meurt sur le coup d’un infarctus. À la fin du film, la rébellion des filles s’éteint. Mlle Chamblas est suspendue de ses fonctions et remplacée par une surveillante, la bienveillante mais toujours assez ferme Mlle Guérande (Monique Mélinand). Cette nouvelle directrice, qui critique l’intransigeance et l’inhumanité de son ancienne patronne, est partisane de « nouvelles méthodes » fondées sur la confiance, sans que celles-ci soient détaillées.

Bien que Duvivier évite tout rapprochement avec l’actualité, son film a malgré tout une dimension politique dans la présentation orientée des institutions. Si, selon la première lecture du film, les sévices infligés par Mlle Chamblas relèvent du fictionnel et de l’exceptionnel, le récit comporte de nombreux détails qui esquissent une vision fort optimiste de l’actualité. Les promesses imprécises concernant de nouvelles méthodes d’éducation, l’accueil attentionné de Mme Bardin, la ferme empathie de Mlle Guérande et l’appel téléphonique de l’administration promettant de nouveaux locaux composent un arrière-plan entièrement en phase avec les discours officiels de l’État, et qui traduit mal les réalités complexes de l’Éducation surveillée en 1949. De nombreux signaux tout au long du film laissent supposer que l’injustice vue à l’écran a pour seule origine la perversité d’une femme, et non l’iniquité du système, qu’il suffit d’un cadre sain et un peu de bienveillance pour rééduquer les délinquants juvéniles, que les pratiques purement répressives sont alors en voie de disparition, remplacées par des méthodes à la fois douces et efficaces. C’est au travers de tels poncifs dans la narration et le montage que, selon Noël Carroll (1996), le cinéma devient un vecteur de transmission idéologique favorisant des logiques de domination sociale. Certains de ces clichés et les images qui les portent – les dortoirs, les ateliers, les filles faisant la ronde dans la cour au rythme imposé par une surveillante autoritaire, la brève euphorie de la mutinerie – sont désormais conventionnels, à l’image de deux films, sortis quelques années plus tôt, aux objectifs propagandistes transparents. Prison sans barreaux (Léonide Moguy, 1938) et Le Carrefour des enfants perdus (Léo Joannon, 1944) promeuvent des méthodes « humanistes » et « compréhensives » de rééducation tout en appuyant la politique officielle de deux gouvernements aux antipodes : le premier est soutenu par le ministère de l’Éducation de Jean Zay sous le Front populaire, tandis que le deuxième intègre l’idéologie du régime de Vichy (Houbre, 2000). Plusieurs critiques publiés au moment de la sortie d’Au royaume des cieux font allusion à ces prédécesseurs.

Dans des entretiens publiés pendant le tournage du film, Julien Duvivier met en avant le réalisme d’Au royaume des cieux, évoquant sa visite d’une maison de correction et les reportages de presse qu’il a utilisés comme documentation (Berger, 1949). Pourtant, un carton affiché avant le générique, niant toute exemplarité du récit, laisse planer une certaine ambiguïté. « Le film que vous allez voir est une œuvre d’imagination. C’est dire que les personnages, l’action et le milieu sont purement fictifs. Il ne s’agit pas d’un reportage romancé mais d’un roman cinématographique. » Ce carton fait hésiter : pourquoi préciser aux spectateurs que le film qu’ils verront n’est pas un reportage ? Devoir l’expliciter signifie qu’au contraire, le film ressemble justement à un reportage et que, sans le carton, des spectateurs risqueraient de prendre le film pour une représentation de la réalité des maisons de redressement à l’heure du tournage. En effet, le thème social du film soutient cette interprétation (voir, par exemple Sorlin, 2015: 42–55). Le simple fait de situer ce mélodrame dans une maison de redressement, de montrer des détenues à l’écran, pourrait faire du film une représentation du réel aux yeux de nombreux spectateurs, malgré la précision liminaire. Le remplacement de Mlle Chamblas par Mlle Guérande pourrait amener des spectateurs à voir un reportage sur l’instauration de méthodes plus humaines dans l’Éducation surveillée. D’autres, qui ne prêtent pas beaucoup d’attention à ces subtilités de la narration, pourraient même conclure que le film est une œuvre militante sur le mauvais traitement des délinquantes par l’État ; nous verrons que c’est le cas d’au moins une spectatrice, membre de la commission chargée de censurer Au royaume des cieux, même si cette lecture n’est pas partagée par les critiques professionnels.

La réception critique du film montre qu’il est effectivement sujet à une double lecture3. Paris-presse affirme qu’« à aucun moment les auteurs n’ont tenté une critique sociale. Ce n’est pas la société qui est mauvaise, mais Suzy Prim, qui est une folle sadique » (Paris-presse, 1949). Dans Le Parisien libéré, Jacqueline Michel (1949) écrit : « Au royaume des cieux n’est pas un film “sur” les maisons de redressement comme l’était Prison sans barreaux. » Elle déplore le fait que « ses filles perdues ne [soient] guère vraies et [aient] l’air de sortir plus directement des clubs de Saint-Germain-des-Prés que des tribunaux pour enfants. » Pour sa part, Jean Fayard (1949) intitule son billet « Au royaume des cieux est un reportage où il y a du bon et du moins bon », faisant l’éloge de ce qu’il voit comme une reconstitution véridique. Reprochant à Duvivier des « effets d’attendrissement un peu faciles », il conclut pourtant que « les auteurs ont eu le souci visible de rejoindre la vérité et de reconstituer le climat plausible d’un vrai pénitencier » et de son quotidien. Cependant, plusieurs critiques relèvent les poncifs et les clichés employés par Duvivier et Jeanson. Jean Morienval (1949), de L’Aube, affirme que le caractère exceptionnel de Mlle Chamblas rend inopérante la thèse du film : « On ne bâtit pas un film sur un cas de rage. » Jeander (1950), le critique de Libération, ironise : « C’est le film crypto-conventionnel dans toute son hypocrisie, […] où le “Pater Noster”, l’amour télépathique4 et le ministère de la Justice sont les bons génies qui arrangent tout et nous consolent de bien des choses. »

L’optimisme

Alors que subsiste une ambiguïté par rapport au réalisme du film de Julien Duvivier, La Cage aux filles affiche clairement une ambition documentaire. Dans sa communication autour du film, Maurice Cloche, dont les deux œuvres précédentes sont des films biographiques (Monsieur Vincent, une énorme réussite populaire en 1947, et Docteur Laënnec en 1949), cite la participation d’Henri Danjou et les visites qu’ils ont effectuées dans les maisons de rééducation pour préparer le tournage. Dans un interview publié lorsque les deux films concurrents sont en cours de réalisation, il affirme que La Cage aux filles a peu en commun avec le film de Duvivier :

Ce que je veux montrer avant tout c’est d’abord comment une fille, une fille comme les autres, peut, à la suite de certaines circonstances, devenir une délinquante. Et surtout, comment il est possible de la rééduquer, de lui réapprendre à vivre, de la sauver… Je ne me contente pas d’exposer un problème : je voudrais aussi, surtout, proposer une solution. (Vivet, 1949)

La portée sociale mise en exergue de l’œuvre se poursuit avec le début du film. Comme Au royaume des cieux, La Cage aux filles commence par un carton, mais au lieu d’insister sur le statut fictif du récit, il souligne le rapport entre le film et le réel en identifiant les pénitenciers où les plans extérieurs ont été tournés.

Des aspects de la représentation des pénitenciers dans La Cage aux filles résultent effectivement d’un travail documentaire sérieux. Les décors illustrent une véritable problématique de l’époque : les deux premières maisons de redressement sont situées au sein de prisons pour adultes et multiplient les références visuelles au milieu carcéral, avec des contre-plongées impressionnantes sur les rangées de cellules et de nombreux plans soulignant les décors sombres, les murs tachés et les barreaux. Un personnage de surveillante désabusée et cruelle, ainsi que le choix d’une protagoniste innocente, dévoyée par des camarades incorrigibles rencontrés en détention, rappellent les témoignages de Gilberte Sollacaro. Par ailleurs, Micheline, la seule fille dont l’histoire est racontée en détail, ne se retrouve pas emprisonnée à cause d’actes de délinquance, du moins la première fois. Elle est arrêtée pour vagabondage, ce qui reflète bien le cas de nombreuses jeunes femmes placées en maisons de redressement en 1950 (Thomazeau, 2007a: 228–231).

Cependant, ce caractère documentaire est souvent éclipsé par des représentations schématiques visant à démontrer qu’un internat mal géré transformera une fille innocente comme Micheline en délinquante hardie, et que de nouveaux établissements et méthodes auront un effet contraire. Le film propose une seule hypothèse pour expliquer l’origine des difficultés de Micheline, ainsi que celles de toutes les jeunes femmes détenues par l’Éducation surveillée : un manque d’amour au sein de la famille, et surtout un manque d’amour paternel. L’origine sociale de la plupart des détenues est invisible, et la famille du personnage principal vit dans des circonstances matérielles tout à fait correctes. C’est la cruauté têtue du beau-père interprété par Noël Roquevert – un spécialiste de rôles secondaires présentant une masculinité rigide – qui pousse le personnage principal vers la déchéance. L’oncle de Micheline, artiste peintre plutôt tendre envers elle, n’a lui pas non plus le courage d’apporter une aide réelle à la jeune femme en détresse. Comme Julien Duvivier, Maurice Cloche profite de son sujet pour filmer quelques scènes racoleuses avec des filles adolescentes en sous-vêtements et des dialogues évoquant des liaisons homosexuelles entre certaines détenues ; ces répliques font également partie d’une stratégie pour montrer l’atmosphère malsaine des internats qui nuit à l’héroïne. Micheline, innocente au début du récit, rencontre Rita dans le premier établissement où elle est placée et, dans la séquence suivante, elles s’évadent ensemble. Après plusieurs vols à main armée avec le groupe de Loulou, l’influence des autres détenues est encore plus néfaste dans le deuxième internat : des lesbiennes rivalisent pour être la « copine » de Micheline, l’une explosant de jalousie quand l’autre lui fait une bise sur la joue. Édith, figure à la fois de l’autorité et de la compassion, exprime l’hypothèse que l’institution aggrave encore le comportement des délinquantes.

L’institution modèle est présentée comme le contraire absolu des deux premières. Les images et les dialogues soulignent ses atouts modernes et humains : une chambre privée pour chaque pensionnaire, des douches chaudes, un médecin sur place. Pendant un montage d’images de filles jouant dans des champs ouverts, suivant des cours de natation et travaillant en atelier de couture, Édith annonce en off sa vision de l’avenir de l’Éducation surveillée :

On exigera beaucoup de vous. Par la culture physique obligatoire, par le sport, par la natation, on vous fera acquérir le bout de la forme, la maîtrise de vous-même, l’amour des distractions saines. Dans ce beau cadre champêtre on vous fera oublier les bals-musettes, les fêtes foraines, les hôtels borgnes. […] On suit l’exemple de ceux qui vous entourent. En peu de temps, vous aurez pris confiance en autrui et en vous.

Ce langage et les images qui l’accompagnent construisent un discours idéaliste qui prétend qu’il suffit d’un environnement sain et un encadrement compréhensif pour transformer les délinquantes en travailleuses et épouses honorables. Jusqu’ici, le film exprimait une vision simplifiée du discours de Gilberte Sollacaro. Notamment, la représentation d’une seule protagoniste innocente dévoyée par des camarades délinquantes – dont la rééducation serait apparemment une cause perdue – est une schématisation de la parole de l’éducatrice réelle. La conclusion du film va encore plus loin : elle transforme et aseptise complètement sa perspective sceptique sur l’institution de Brécourt. Au plan large, Maurice Cloche dépeint les maisons de rééducation de façon à promouvoir la politique officielle de l’État, qui consiste à reconstruire l’Éducation surveillée autour de mesures de protection plutôt que de punition. La presse, d’ailleurs, remarque et critique largement cette représentation comme naïve ; Alexis Danan (1950), un journaliste ayant une expérience similaire à celle d’Henri Danjou, qui a écrit sur les maisons de redressement dans les années 1930 et participé à l’écriture de Prison sans barreaux, n’hésite pas à employer le mot de « propagande » pour évoquer la représentation de Brécourt. Si La Cage aux filles a effectivement une certaine valeur documentaire, c’est aussi un exercice de propagande qui refuse toute inquiétude ou nuance sur la réforme de l’Éducation surveillée.

La négociation

Comme tous les longs métrages projetés en salles à l’époque, les deux films, l’un ambigu par rapport à son aspect documentaire, l’autre qui prétend représenter le réel mais qui en offre une version aseptisée, sont examinés par la commission de contrôle du CNC avant de sortir en salles. Pourtant, la censure d’Au royaume des cieux et La Cage aux filles a comme particularité l’implication personnelle d’un ministre. Pour cette raison, les archives brossent un portrait riche et détaillé d’un processus habituellement confidentiel.

En février 1949, lorsque le scénario d’Au royaume des cieux est soumis à une « pré-censure » (voir Garreau, 2009: 45–55), la commission de contrôle accorde un avis favorable au tournage à l’unanimité moins une voix, celle de la représentante du ministère de la Justice. Celle-ci, identifiée seulement comme Mme Léwy, fait non seulement une lecture documentarisante du découpage, mais y reconnaît un esprit tout à fait subversif. Citant le traitement indigne subi par les personnages, elle conclut : « Si le but de ce film était d’aider la justice [à] adoucir le sort des détenues, [leur] permettant de se relever, il serait tout à fait manqué : un fort sentiment de révolte contre pareil personnel et contre un régime qui en est responsable est la première imprécision qu’on en ressort. » (Léwy, 1949)

Bien que minoritaire, cet avis défavorable attire l’attention de Robert Lecourt, député MRP5 qui vient d’être nommé ministre de la Justice. Malgré un véritable acharnement contre Au royaume des cieux de la part du ministre, la commission de contrôle finit par permettre le tournage du film tel quel. Une première lettre du ministre, écrite seulement trois jours après l’avis de Mme Léwy, résume ses objections à la réalisation du film de Duvivier ainsi que La Cage aux filles de Maurice Cloche :

Ces films mettent en cause les méthodes et le personnel de l’administration de l’Éducation Surveillée en les présentant de telle sorte qu’aucune précaution oratoire ne permettrait d’éviter que le public ne fût trompé et très défavorablement influencé à leur égard. […] Au demeurant, et ceci est tout particulièrement vrai pour le projet de M. Duvivier, c’est le principe même de telles réalisations que je crois devoir mettre en cause. (Lecourt, 1949a)

Pourtant, la pièce suivante dans le dossier de censure est une note de trois lignes, datée du 10 mars 1949 et signée par Robert Mitterrand, frère et directeur de cabinet du secrétaire d’État chargé de l’Information, un jeune politique nommé François Mitterrand. Citant le vote précédent de la commission de contrôle, il confirme simplement l’autorisation de tournage (Mitterrand, 1949). Ensuite, Lecourt adresse des lettres aux deux frères Mitterrand se plaignant d’un manque de réactivité face à ses objections par rapport à Au royaume des cieux.

Le dossier ne contient aucune autre trace de ce désaccord. Quatre mois plus tard, après le tournage du film, la commission de contrôle vote à l’unanimité une autorisation pour tous publics (Commission de contrôle, 1949a). On peut donc supposer qu’une négociation verbale a eu lieu entre Lecourt et Mitterrand permettant la levée des réserves avant le vote final de la commission. Quelles mesures précises ont été prises ? C’est difficile à dire en l’absence d’une version préliminaire du scénario ; dans ses lettres, Lecourt refuse notamment de pointer des extraits qui le gênent ou de proposer des modifications précises. Il semble probable qu’aucune modification – sauf éventuellement l’ajout du carton au début – ne soit finalement apportée au film, déjà en cours de tournage, attaqué par un seul membre de la commission. Il est également possible que les producteurs soient arrivés à amadouer le ministre grâce à des négociations en parallèle avec d’autres hauts fonctionnaires du ministère de la Justice. En effet, le compte rendu de la commission de pré-censure demande que le CNC invite Julien Duvivier à prendre contact avec un certain « M. Costa » afin de régler les différends avec le ministère de la Justice, tout en accordant « définitivement » le principe de l’autorisation (Commission de contrôle, 1949b). Il s’agit certainement de Jean-Louis Costa, premier directeur (1945-1951) de l’Éducation surveillée. Selon Yves Desrichard (2001: 65), forts de leur renommée liée au cinéma du Front populaire, Duvivier et Jeanson auraient sollicité directement l’aide de François Mitterrand pour éviter une censure de leur film. De toute façon, d’un point de vue légal, c’est Mitterrand qui a le dernier mot pour tout visa d’exploitation en tant que secrétaire d’État chargé de l’Information6.

Pendant ce temps, les négociations entre Maurice Cloche et le ministère de la Justice suivent un chemin différent. Malheureusement, le dossier de censure de La Cage aux filles est inaccessible7, mais plusieurs documents signalent l’intervention de l’État pendant la production du film dans le but de susciter une représentation favorable de l’Éducation surveillée. Tandis que le ministère de la Justice ne parvient pas à imposer une réécriture d’Au royaume des cieux, il dispose d’un levier supplémentaire pour orienter le contenu du film de Cloche. Une part significative du financement de La Cage aux filles provient du Crédit national, un organisme public qui prête des fonds à l’industrie cinématographique par le biais d’un système d’avance sur recettes (Creton, 2004: 217). Dans la première lettre présentant ses objections à la réalisation des deux longs métrages, Robert Lecourt préconise déjà la possibilité de se servir de ce dispositif de financement comme moyen de pression (Lecourt, 1949a). Le dossier de financement fait état d’une série d’allers-retours assez typiques entre la maison de production, Les Films Maurice Cloche, et le Crédit national, discutant du montant de l’avance et des changements dans le devis du film, avec un élément supplémentaire : l’avance est conditionnée à l’accord du ministère de la Justice. Toutefois, ni le Crédit national, ni la maison de production n’évoque cette condition comme étant particulièrement contraignant ou indésirable. Dès sa première demande de financement, envoyée le 16 décembre 1948 – soit bien avant la présentation du scénario à la pré-censure –, Cloche (1948) mentionne sa coopération avec la direction de l’Éducation surveillée et le ministère de la Justice. D’autres documents datés de février 1949, pendant la préparation du tournage, mentionnent un accord verbal de la direction du CNC, sous réserve de l’avis du ministère de la Justice. Le premier rapport de la commission d’attribution des avances du Crédit national ajoute deux nouveaux détails : le secrétariat d’État à l’Information, qui a une tutelle sur le CNC, « a verbalement donné un avis défavorable sur le scénario » et « M. Maurice Cloche doit lire ce jour (7 mars 1949) son découpage aux membres de la Commission compétente » constituée par le ministère de la Justice (Crédit national, 1949). Effectivement, le lendemain, Robert Lecourt (1949b) écrit à la direction du CNC pour donner des nouvelles de ce rendez-vous : le nouveau scénario, « très sensiblement différent du texte primitif, ne se heurtera vraisemblablement pas aux mêmes objections de ma part que le précédent ».

Sans disposer d’une copie de cette version antérieure, il est impossible de savoir quels changements précis le réalisateur a apportés8. Pourtant, la lettre du ministre de la Justice, qui fait partie du dossier de censure d’Au royaume des cieux, fournit quelques informations intéressantes. Avant tout, elle montre que Maurice Cloche est obligé de remanier de son scénario afin de satisfaire aux objections du ministère de la Justice. Elle confirme aussi ce qu’on peut deviner au ton des communications dans le dossier de financement de La Cage aux filles : que le rapport entre Cloche et les représentants de l’État qui censurent son projet est un arrangement collégial plutôt qu’un bras de fer. Ce rapport continue par la suite, lorsque la maison de production, afin d’obtenir l’approbation finale du ministre, nécessaire pour percevoir l’avance du Crédit national, invite le ministre à envoyer un « conseiller technique qui suivrait nos prises de vues et pourrait, le cas échéant, sur le plateau même, donner à Maurice Cloche certaines indications de détail » (Les Films Maurice Cloche, 1949). Le scénario reçoit finalement l’approbation écrite du garde des Sceaux le 1er juin 1949, ce qui permet le versement de l’avance par le Crédit national et le début des prises de vue (Mahias, 1949).

Les lettres de Robert Lecourt montrent que celui-ci surveille en parallèle les projets qui deviendront La Cage aux filles et Au royaume des cieux. Au fur et à mesure de leur avancée, il s’inquiète de moins en moins du contenu de La Cage aux filles, modifié par son réalisateur pour se conformer aux indications du ministère, en même temps qu’il devient de plus en plus exaspéré par Au royaume des cieux, dont le réalisateur négocie avec les frères Mitterrand au secrétariat d’État à l’Information. En raison des différentes sensibilités politiques présentes au sein du gouvernement de coalition, chaque cinéaste peut traiter avec un interlocuteur différent. Duvivier, cinéaste associé au Front populaire (quoique l’orientation politique de son cinéma soit une question bien plus complexe, et que ses positionnements idéologiques soient loin de correspondre à ceux du Front populaire), obtient l’aide d’un secrétaire d’État à l’Information d’un parti de centre-gauche9, contre les tentatives de censure d’un garde des Sceaux chrétien-démocrate. En revanche, Cloche, qui saupoudre son film de clins d’œil anti-laïques et anti-syndicaux, reçoit un avis défavorable de la part du secrétariat à l’Information à la suite de réserves similaires du garde des Sceaux ; il choisit de modifier son film en coopération étroite avec le ministère de la Justice.

Le consensus

À première vue, Au royaume des cieux et La Cage aux filles peuvent donner l’impression d’une vision consensuelle de la France de l’époque. Ils appartiennent à une catégorie de films de l’après-guerre qui évoquent des questions sociales avec un certain esprit engagé, mais en évitant de faire de vague : citons, à titre d’exemple, un film sur la délinquance juvénile comme Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy, 1955), d’autres œuvres de Maurice Cloche évoquant la prostitution ou la prison, la filmographie de Ralph Habib ou encore des films de Jean-Paul Le Chanois comme L’École buissonnière (1949) ou Papa, Maman, la Bonne et moi (1954). Il serait facile de croire que ces œuvres découlent d’un accord de fond réunissant la classe politique et la corporation cinématographique, voire la France entière. Pourtant, le résultat final projeté sur les écrans cache une réalité plus complexe. À cette époque, les arbitrages autour des films politiquement sensibles peuvent impliquer de nombreuses parties intéressées, au pouvoir inégal et aux intérêts divers : les cinéastes, les producteurs, les censeurs du CNC (la moitié représentant les ministères de l’État, l’autre moitié les professions cinématographiques), des administrations dépeintes dans un film, des organismes de financement et, dans le cas exceptionnel que nous venons d’exposer, deux membres du gouvernement qui interviennent personnellement. Il s’agit alors d’un cinéma fondé sur de nombreux compromis plutôt que sur un véritable consensus.

D’après Frédéric Hervé (2015: 499), « entre 1945 et 1975, les censeurs sont les coproducteurs de chacun des films réalisés en France, sans exception aucune ». Les archives autour d’Au royaume des cieux et de La Cage aux filles sont un exemple de la façon dont cette « coproduction » fonctionne dans la période de l’après-guerre : il n’est pas impossible pour les cinéastes de traiter d’un sujet politiquement sensible, mais toute tentative déclenche une série de tractations à la fois cordiales et coercitives. Ces cas confirment que la censure est consentie au sein de l’industrie à cette époque, mais révèlent aussi ce qui a déjà été démontré par des travaux sur la censure cinématographique dans d’autres contextes historiques : il s’agit souvent d’un processus collaboratif, voire producteur de sens, plutôt qu’une ingérence verticale par des institutions répressives et éloignées de la production des films (voir, par exemple, Kuhn, 1989: 2–6; Staiger, 1995: 13–15).

L’idée d’un cinéma fondé sur le compromis reste cohérente avec l’hypothèse d’un système poussant les cinéastes à l’autocensure. Pour la plupart des projets de films, les négociations consistent surtout en des échanges entre le producteur et la commission de contrôle avant le tournage du film, un cas de figure prévu par le service de « pré-censure » proposé par le CNC. Ce dispositif incite les sociétés de production à remanier les scénarios, en suivant les consignes de la commission, afin d’éviter le tournage coûteux de scènes qui risqueraient in fine la censure. Laurent Garreau (2009: 46) rappelle que la pré-censure conduit souvent à « des négociations qui s’inscrivaient à la fois dans la poursuite d’une meilleure qualité des productions françaises, dans l’écoute la plus attentive possible au respect des droits des scénaristes et dans le souci de ne pas trop compromettre l’exercice de la liberté d’opinion. » Cependant, de tous les moyens dont dispose la commission de contrôle, c’est la pré-censure « qui peut jouer le rôle le plus directement normatif et avoir l’action la plus coercitive et dissuasive ». Il est raisonnable de supposer, en suivant la logique de Marcel Martin, que dans plus de cas encore les seules négociations à avoir lieu sont celles entre cinéastes et producteurs – sans parler des œuvres que les cinéastes imaginent mais n’osent même pas proposer. Ces dernières formes d’autocensure laisseraient peu ou pas d’archives écrites.

Cependant, la censure n’est pas le seul objet des arbitrages. L’histoire d’Au royaume des cieux et La Cage aux filles montre comment les cinéastes, en subissant des pressions mais aussi de leur propre gré, pouvaient représenter avec indulgence les institutions et évoquer l’actualité de manière faussée. Une fois épinglé par le ministre de la Justice, Maurice Cloche donne son entière coopération à l’entreprise promotionnelle en faveur de la direction de l’Éducation surveillée. Julien Duvivier échappe aux pressions visant à l’obliger à faire de même, mais il accepte de discuter avec un second groupe de politiques et de hauts fonctionnaires, et son film finit par propager de nombreuses idées reçues appuyant une vision partielle et partiale des politiques de l’État. D’où un film aussi « consensuel » que celui de Cloche, qui dresse un portrait tout aussi déformé de la justice pour mineurs.

Dans son ouvrage sur les drames en costumes français des années 1950, Susan Hayward (2010: 87–88) constate que ces films, loin d’être apolitiques ou de soutenir une vision de la société teintée d’optimisme, traduisent souvent la gêne et l’angoisse ambiantes devant les bouleversements économiques et sociaux de l’époque. De manière similaire, Thomas Pillard (2014: 321–322) observe comment les films noirs de l’après-guerre véhiculent les angoisses provoquées notamment par l’Occupation et les débuts d’une société de consommation encore inaccessible à de nombreux Français. À la différence de la plupart des drames en costumes et des films policiers, Au royaume des cieux et La Cage aux filles sont des œuvres inspirées de faits réels qui traitent directement un thème d’actualité. La gêne y est d’autant plus transparente : aujourd’hui encore, comme pour de nombreux spectateurs d’époque, à l’image de Jeander ou Alexis Danan, on perçoit facilement le malaise avec lequel les cinéastes et les autorités ont abordé ensemble des questions sociales. Cependant, l’existence même de ces films remet en question l’affirmation de Jean-Pierre Jeancolas que le cinéma de l’après-guerre « se tient prudemment à bonne distance de la réalité française ». Au contraire, il était tout à fait possible pour les cinéastes d’aborder de nombreuses questions sociales et politiques, à condition de se prêter au jeu de censure négociée qui, certes, pouvait dénaturer l’image de la réalité qui allait finalement être projeté sur les écrans. Le résultat ici est deux films qui traitent du monde contemporain avec gêne, qui répètent des idées reçues et des vœux pieux plutôt que de se plonger dans les véritables difficultés de la rééducation des jeunes femmes délinquantes. Cloche et Duvivier engagent un dialogue autour de ces sujets tout de même – des sujets d’une actualité brûlante, à en juger par la popularité des films auprès des spectateurs ou par l’inquiétude du ministre de la Justice.

Remerciements

Un grand merci à François Albera, Dunja Jelenković et Audrey Orillard pour leurs relectures et retours sur ce texte.

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  1. Notons que Jeanson, scénariste prolifique qui a aussi mené une activité de journaliste, est un collaborateur de Duvivier de longue date : il a participé à l’écriture de Pépé le Moko (1937) et Un carnet de bal (1937). Par ailleurs, il a déjà une expérience liée aux maisons de rééducation pour jeunes femmes : c’est le dialoguiste de Prison sans barreaux (Léonide Moguy, 1938), un film auquel plusieurs critiques comparent Au royaume des cieux et La Cage aux filles↩︎

  2. Bien qu’il ne figure pas dans leur corpus, Au royaume des cieux illustre clairement la thèse de Noël Burch et Geneviève Sellier, qui voient dans le cinéma de l’après-guerre une présence accrue de poncifs misogynes et de figures féminines (auto)destructrices. (Voir Burch et Sellier, 2005: 224–237) ↩︎

  3. Ces lectures opposées rappellent le phénomène que discerne Noël Burch dans le cinéma hollywoodien, certains films pouvant susciter à la fois des lectures de gauche et de droite. (Voir Burch, 2000) ↩︎

  4. Le critique fait référence à une séquence montée en parallèle ou Maria et Pierre rêvent l’un de l’autre. ↩︎

  5. Mouvement républicain populaire. Parti chrétien-démocrate fondé à la Libération, il fait partie de la « troisième force » politique face aux Communistes et aux Gaullistes dans la Quatrième République. ↩︎

  6. Curieusement, François Mitterrand est également impliqué dans l’histoire de La Fleur de l’âge de Marcel Carné : celui-ci affirme avoir projeté les rushes de son film incomplet à Mitterrand et sa belle-sœur Christine Gouze-Rénal au début des années 1950. Les bobines auraient disparu avant que Carné revienne les chercher le lendemain. (Voir Aurouet, 2005a) ↩︎

  7. En raison de la fermeture du site de Fontainebleau des Archives nationales depuis 2013. ↩︎

  8. D’après le dossier Crédit national, la seconde version du scénario suscite une révision à la baisse du budget du film, de 65,8 millions à 47,7 millions de francs. Il est donc probable que les changements du scénario visent aussi à faire des économies. ↩︎

  9. De 1946 à 1965, François Mitterrand est membre, puis dirigeant, de l’Union démocratique et socialiste de la résistance (UDSR), parti qui participe à plusieurs gouvernements de la « troisième force » aux côtés du MRP, des Socialistes et des Radicaux. ↩︎